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Dire que le président Paul Kagame est puissant et intouchable est un oxymore. Du moins cette réalité était-elle encore le cas, il y a quelques temps. Car, ces derniers temps son orgueil, sa vanité et son sentiment d'irresponsabilité en ont pris un coup et ces certitudes ébranlées. Pourtant cet homme sait très bien depuis longtemps que chaque chose a un début et une fin. « Ntagahora gahanze. Ibihe biha ibindi, kandi iby'isi ni gatebe gatoki ». C'est rwandais ça? L'on se demande ce qu'il a appris en plus de 50 ans d'existence sur cette terre de la sagesse des ancêtres. Ce qui vient d'être dit plus haut en kinyarwanda est une substance que tous les enfants du Rwanda tètent dans le sein maternel. Si le président Paul Kagame l'ignore, il ignore, forcément, aussi que celui qui refuse d'écouter son père et sa mère finit par obéir aux grillons sous attendu qu'il finit dans l'errance nocturne et la mort anonyme. Pour un personnage de son espèce, ceci équivaudrait à dire qu'il est entré dans l'histoire par la grande porte de la gloire, d'où il est entrain de sortir par le vide-ordure. Je ne sais pas s'il est conscient de ce qui est entrain de lui arriver et contre lequel il n'y a aucun antidote. Car, celui qui était « le lion combattant craint de tous », celui dont la réputation était jusqu'alors que jamais personne ne peut s'ingénier à lui faire le reproche ni la moindre critique si ce n'est pour lui rendre un culte perpétuel... est maintenant tombé de son piédestal. Il est contesté partout. Il devient presque schizophrénique. Et se répand en confusions et contradiction comme un mourant que le dernier souffle de vie quitte.

Kagame-Toronto.jpgLe président Paul Kagame est publiquement contesté à l'extérieur comme à l'extérieur. « Wirukankana umugabo kera ukageraho ukamumara ubwoba ». Ça aussi c'est du kinyarwanda. Oui! À force de persécuter quelqu'un, l'on finit par lui insuffler le courage et la force d'affronter le danger. Car, au bord du précipice, il n'y a que deux choix : se laisser précipiter dans l'abysse ou se retourner contre le danger et l'affronter face à face. Il semble qu'après, près de vingt ans d'oppression, de dictature et de tyrannie insupportables, le peuple rwandais ait pris cette option. Au point que maintenant le président le plus récompensé du monde pour des mérites parfois usurpés, souvent fictifs, est obligé de voyager en catimini et de réunir ses partisans dans des hangars désaffectés, loin des villes, lui qui méprise au plus haut point le monde rural et les paysans. Ce qui est bien avec l'ironie de l'histoire, c'est que vers la fin, elle vous ramène à votre juste place.

Tout le monde sait connaît, à présent, - et lui, il doit en garder un traumatisme violent et profond - l'accueil que ces propres concitoyens et mêmes les voisins et les étrangers lointains, réservent à cet "homme fort du Rwanda". Un mouvement commencé peu à peu dans la peur et la timidité, à Paris, à Bruxelles, à Chicago, et qui a fini par prendre l'ampleur que l'on sait maintenant, à Londres et plus récemment à Toronto. Avant l'on se contentait d'exhiber les pancartes et les banderoles pour pouvoir se cacher derrière, l'on se limitait aux slogans et aux cris d'indignation ayant bien pris soin de se camoufler et de couvrir sa tête et son visage, maintenant c'est devant les caméras du monde entier et à visage découvert que l'on attend ostensiblement, armé d'œufs et de tomates pourris, de bouses de bêtes, de chaussures et de pierres, le passage de Kagame.

Son dernier one man show nommé, « Rwanda day », à Toronto doit lui avoir laissé un goût très amer. S'il est un homme intelligemment supérieur à la moyenne du monde qu'il prétend être, il a dû au moins en tirer trois leçons élémentaires : les rwandais en ont le ras-le-bol de lui. Il ne fait plus peur à personne, la lune de miel est terminée et le mensonge, la fraude et l'imposture ne peuvent régner éternellement. Le danger pour lui-même s'accroît avec les jours qu'il passe à humilier et à persécuter les rwandais. À Toronto, les manifestants lui ont envoyé un message ferme, précis et sans la moindre ombre d'équivoque: en lui brisant dessus les vitres de son véhicule, pourtant blindé, ils lui ont signifié que la patience dans l'atroce souffrance a des limites et que le peuple en quête de sa liberté, n'en en a cure de ses protection. C'est une question de temps, le moment venu, il n'aura nul lieu sur cette terre pour se cacher ni personne pour le défendre. Quand l'on sait qu'il y a à peine cinq ans, il était hautement risqué d'émettre la moindre réserve à l'encensement général et à l'adoration universelle du démiurge Paul Kagame, l'on se dit que vraiment, les temps changent.

 

La contestation de Kagame n'est pas strictement limitée à l'extérieur où ses opposants ne craignent rien personnellement. À l'intérieur du pays aussi, les gens manifestent leur lassitude et leur révolte face à la cruauté du régime, ses assassinats systématiques des libertés, son intolérance pathologique et sa propension illimitée de museler toute expression dissonante qui refuse le culte de la personnalité Kagame. Malgré la férocité éprouvée, mondialement reconnue et certifiée (voir les différents rapports relatifs aux violations des libertés et des droits humains au Rwanda), du régime, malgré sa cruauté irascible, impitoyable et irraisonnable, au Rwanda aussi, l'eau a fini par passer dessus les digues. Pour l'instant, il s'agit juste des préoccupations particulières ou catégorielles qui propulsent les personnes lésées à protester contre l'injustice. Mais ça commence toujours comme ça. Il n'est pas besoin de ressasser les exemples d'ailleurs. Un jour, très proche, la somme des intérêts se joindra pour former une lutte collective qui, comme un tsunami, se lèvera soudainement et balayera tout type d'obstacles dressés contre sa progression, anéantira toute résistance jusqu'à exploser même les bunkers anti-nucléaires pour y extraire celui qui aura alors le titre peu enviable, d'ennemi de la nation. Ce qui sera véritablement la sortie de l'histoire par le vide-ordures évoquée plus haut. Franchement, ce n'est pas souhaitable à un chef d'État. Mais que voulez-vous lorsqu'un homme s'obstine, s'auto-persuade et se flatte d'avoir raison contre tout le reste. Si quelqu'un se fait corbeille, il finira en outil de ramassage des cendres, des débris et autres ordures. L'on y peut rien dans ce cas. Et pendant ce temps, le peuple se réveille de son long sommeil léthargique, allume lentement mais sûrement le feu de la révolte à venir et rassemble toute sa force pour une victoire définitive contre la médiocrité et l'imposture des politiques, la dictature et la tyrannie des régimes, et pour l'instauration d'une gouvernance disputée et choisie en toute liberté, l'accession à la pleine souveraineté et indépendance pour mieux s'épanouir et prospérer dans la paix et la quiétude.

 

Ces derniers mois, voire ces dernières semaines, nous avons assisté à des événements inédits et impensables sous Kagame : nous avons vu un groupe de femmes venir manifester devant chez lui, pour lui demander de redresser la lance et de remettre l'épée dans le fourreau  et de ne plus verser le sang des êtres humains. Peu de temps après, ce sont des étudiants privés des moyens d'existence, de la possibilité d'accéder aux crédits, qui sont venus manifester leur désarroi au Premier ministre. Dans leur pas, suivirent les taxis motos empêchés, de manières cavalières et arbitraires comme sait en faire usage le régime, qui vinrent supplier leurs parlementaires d'intercéder en leur faveur auprès du gouvernement pour retirer la loi qui les obligent à, pratiquement, perdre leur travail. Dans toutes ces protestations, pour l'instant pacifiques, la réponse des autorités fut classique, la seule qu'elle connaisse: brutalité et intimidations. Arrestations et emprisonnement. Le pire, dans cette histoire, du moins celle des étudiants et des taxis, c'est que les pauvres sont arrêtés et emprisonnés, juste cueillis au pas de la porte après un entretien avec les plus hauts responsables des institutions visées par la démarche contestataire. Et, soudainement, quelques questions de bons sens retentissent dans l'esprit : quelle confiance, quelle crédibilité accorder à un régime qui agit de cette manière? Est-ce le ministre en chargé de la sécurité intérieure du pays qui donne les ordres? Si c'est le cas, pourquoi tient-il à saboter et à mépriser ses collègues? Pourquoi le président de la république ne trouve rien à dire contre ce genre de pratiques barbares et franchement contraire à la civilisation de l'homme d'aujourd'hui? Ou alors tous les ordres viennent de lui, comme en témoignent ceux qui le connaissent du dedans comme du dehors! Dans ce cas, c'est une preuve de plus qu'il ne respecte pas les institutions de l'état, sa constitution et ses lois. Ce qui justifierait même la multiplication par mille des forces et des moyens pour dégager un dirigeant finalement hors-la-loi et usurpateur.

 

Toutefois, au-delà de son intransigeance légendaire et son appétit sans poids ni mesure pour le pouvoir, les privilèges et les avantages qu'il procure et tous les abus qu'il en fait, l'on ne peut déceler qu'une seule cause valable de ces agissements du régime, empreints de tant de folies. C'est qu'il prend peur comme un animal surpris dans son refuge qu'il croyait inviolable et inatteignable car, conçu, installé ou trouvé hors portée de tout chasseur ou prédateur.

 

Voyant la colère monter des couches les plus discriminées, marginalisées, bafouées dans leurs libertés, dans leurs droits et dans leurs divinités et les plus vulnérables de la population, de loin les plus massives, le régime prend peur et se dit qu'il faut réagir rapidement, vigoureusement et pour l'exemple. Sauf que c'est trop tard. Pour ceux qu'ils considèrent comme les « ibipinga » et les « ibigarasha », il pouvait dormir sur ses lauriers et compter sur la distance, le verrouillage et la surveillance de l'information pour empêcher toute connexion extérieure/intérieure, mais aujourd'hui les choses se compliquent pour un pouvoir qui semble courir derrière le vent pour l'attraper ou vouloir empêcher de tomber un pot en porcelaine déjà écrasé par terre. Le président Paul Kagame a raison d'avoir peur, car la moindre parcelle de liberté conquise ne peut plus rentrer dans la cage de la soumission. Les rwandais qui luttent pour la liberté dans notre pays sont en marche - et que Kagame le sache bien et le comprenne, là où tombera une seule de ses victimes s'élèveront un millions d'autres combattants, jusqu'à ce que son régime soit noyée et enrayé dans le déferlement des affamés et des assoiffés de la liberté chérie mais si bafouée par un seul homme contre des dizaines d'autres millions.

 

Le régime tremble de peur d'autant plus que, enfant gâté d'abord de l'hypocrisie mondiale, il a usé et abusé du crédit qui lui était accordé par la planète entière comme gage de rachat de sa culpabilité dans la calamité génocidaire dont notre pays a été victime en 1994. Avant de découvrir son rôle déterminant et décisif dans ce désastre, il aura le loisir de massacrer autant de rwandais qu'il veut, partout où qu'ils se trouvent, d'exporter ses pulsions sanguinaires dans les pays voisins comme le Congo pour y vivre la même expérience que dans son propre pays, de menacer qui il veut comme son confrère tanzanien à qui il à promis publiquement de frapper durement le moment et le lieux appropriés, pour ne citer que les exemples les plus choquantes. Mais aujourd'hui le crédit s'effondre. Les anciens amis et soutiens inconditionnels prennent progressivement leur distances et posent même quelques gestes inamicaux suffisamment significatifs à l'endroit de l'ancien enfant gâté comme pour lui dire que c'est le moment du sevrage (voire les différentes mesures et sanctions prises ces derniers temps contre le régime rwandais par la quasi-totalité des anciens soutiens inconditionnels).

Du coup, comme un naufragé qui coule inéluctablement, les autorités rwandaises se confondent de contradictions en contradictions, de mensonges et en explications insensées, totalement décousues et souvent sonnant comme la signature des méfaits reprochées. À propos de tous les problèmes dramatiques qu'affrontent le peuple rwandais et le peuple congolais, par exemple, jamais, au grand jamais aucun officiel rwandais n'a eu, rien qu'une seule fois même par lapsus, à exprimer la moindre compassion envers les victimes. On le comprend, « isuku igira isoko », comme on dit si bien en kinyarwanda : c'est le chef de l'état lui-même qui donne l'exemple et la ligne à suivre. Or, qu'est-ce qu'il répond lorsque l'on ose lui poser des questions à ce propos : ne m'ennuyez pas avec vos questions stupides. Ce n'est pas mon problème. Et d'ailleurs je m'en fous. Un million de fois, j’ai espéré, attendu vainement qu’un jour le président Paul Kagame exprime la moindre solidarité et compassion envers les victimes rwandaises et congolaises des crimes qui sévissent dans la région Dès lors quel genre d'être humain que l'on est lorsque l'on se moque, voire se réjouit aussi ostensiblement et avec une telle délectation des malheurs des autres? Si l'on est, en plus, soupçonné d'y prendre part active, une telle attitude ne plaide vraiment pour l'innocence ni même pour l'indifférence.

En politique, être obligé de s'expliquer sur une situation litigieuse est en soi problématique. Multiplier les contradictions et les confusions est un début de fin de règne.

Un humble Lecteur!

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